le traité de métapsychique,
de charles richet
note de lecture par félicien
challaye,
parue dans le larousse mensuel n°
190, décembre 1922, p.987.
(pour servir à
l'histoire de la métapsychique)
la
métapsychique est actuellement objet de curiosité publique. même les grands
journaux quotidiens lui consacrent de nombreux articles. a la sorbonne, au
laboratoire de psychologie, des savants et philosophes de valeur se réunissent
pour contrôler certaines des affirmations émises par les partisans de cette
étude nouvelle.
qu'est- ce
que la métapsychique ? le meilleur moyen de répondre à cette question c'est de
lire les 816 pages du traité de métapsychique de charles richet, professeur à
l’université de paris, membre de l’institut. ch. richet se propose -
négligeant les théories - d'établir des faits : - ces faits existent, affirme- t- il
, ils sont nombreux authentiques, éclatants. » de tout temps, « les hommes
ont constaté que des faits singuliers, irréguliers, imprévisibles, se mêlent
aux événements ordinaires de l'existence quotidienne. ils les ont expliqués par
l’intervention de dieux ou de démons puissants, ou de forces surnaturelles
».
de
tels faits existent ; mais il ne faut pas les qualifier de surnaturels ni
même de supranormaux comme
le faisait l’un des penseurs qui ont commence à les étudier scientifiquement,
myers. tout fait réel est, nécessairement, naturel et normal. ce qui caractérise
ces faits, c'est qu'ils semblent dus à une intelligence inconnue, humaine
ou non humaine. les forces métapsychiques paraissent avoir des intellectualités,
des volontés des intentions qui ressemblent aux intentions humaines. les effets
de ces forces peuvent être soit mécaniques (par exemple un déplacement d'objet),
soit psychologiques (par exemple un pressentiment confirmé).
la
métapsychique peut se définir « une science qui a pour objet des phénomènes,
mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes
ou à des puissances inconnues latentes dans l'intelligence humaine ».
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yoga et psychosonique".
celui
qui aborde cette étude doit y apporter un esprit critique particulièrement
sévère; il faut éviter de se laisser duper par les naïfs, les farceurs ou
les escrocs. mais il ne faut pas non plus déclarer impossibles ou contradictoires
avec la science des faits établis, simplement parce qu'ils sont inhabituels
ou nouveaux. « les invraisemblances d'aujourd'hui deviendront demain
des vérités élémentaires ». dégagée des hypothèses spirites et des considérations
théosophiques, la métapsychique est « une science expérimentale, aussi
exacte dans sa précision voulue que la chimie, la physique et la physiologie
».
richet
renvoie à la psychologie l'étude des phénomènes inconscients qui se- produisent
normalement dans l’hypnotisme et même le médiumnisme (« l'hypnotisme agit
par hétérosuggestion, le médiumnisme par autosuggestion) »; par exemple,
l'écriture automatique, - le fait que certains êtres peuvent
écrire une lettre intelligente au moment même où ils causent avec quelqu'un
sur une tout
autre
question, - est un fait plus psychologique que métapsychique.
la
métapsychique s'occupe de faits plus irréguliers, plus mystérieux.
richet
distingue la métapsychique subjective, qui traite uniquement de
faits mentaux, et la métapsychique objective, qui décrit certains
phénomènes extérieurs échappant à toute explication par des forces actuellement
connues et paraissant avoir un caractère intelligent.
le
grand fait de la métapsychique subjective, c'est celui que les magnétiseurs, il
y a un siècle, ont appelé lucidité ou clairvoyance (hellsehen),
que myers nommait télesthésie, et que richet propose d'appeler cryptesthésie.
'
« cryptesthésie,
d'après son étymologie (du grec kruptos,
caché, et de « esthésie »), indique qu'il y a une sensibilité cachée,
une perception des choses, inconnue quant à son mécanisme, et dont nous ne
pouvons savoir que les effets... il y a dans notre intelligence une faculté
spéciale, mystérieuse encore, qui lui permet de avoir certains faits, passés,
présents ou futurs, que les sens n'ont pu lui révéler ».
il
ne faut pas confondre la cryptesthésie avec la télépathie ou
communication entre les consciences par des procédés encore inconnus, sans
intervention d'aucune vibration extérieure apparente. la télépathie est un cas
particulier de la cryptesthésie ou une explication possible de certains faits
de lucidité; elle est, d'ailleurs, tout aussi mystérieuse que la lucidité en
général. quand mme green, à londres, voit sa nièce (qui ne la connaît pas) se
noyer en australie, il est peu probable qu'une pensée de cette nièce ait été
trouver mme green; il est plus simple d'admettre, sans aucune hypothèse, qu'il
y a eu intervention d'une sensibilité spéciale, c'est-à-dire de la
cryptesthésie.
richet
distingue la cryptesthésie expérimentale, suscitée intentionnellement dans une
expérience, et la cryptesthésie accidentelle, qui se manifeste à l'improviste.
il
étudie la cryptesthésie expérimentale chez les sujets normaux, chez les
individus hypnotisés, chez les médiums, chez les sensitifs. l'état hypnotique
et médiumnique favorise la cryptesthésie, parce qu'il abolit ou diminue la
sensibilité normale. par exemple, léonie, médium de pierre janet, annonce, au
havre, un incendie qui s'est produit peu avant à paris ; elle décrit un
accident arrivé, deux heures auparavant, à un ami de richet.
le
médium le plus remarquable a été, à ce point de vue, mrs piper « je
suis absolument certain, dit william james, comme je le suis de
n'importe quel fait personnel, que mrs piper connaît, pendant sa transe,
des choses dont il lui est impossible d'avoir eu connaissance à l'état de
veille » .
parfois,
le maniement d'objets ayant appartenu à la personne sur laquelle on demande des
renseignements cryptesthésiques paraît être une condition de lucidité. richet
appelle ce fait cyyptesthésie pragmatique. et, chemin faisant, il
étudie la vision par le cristal, la xénoglossie (fait de parler en une langue
inconnue), la baguette divinatoire, la métapsychique animale, etc.
quant
à la cryptesthésie accidentelle, elle ne survient ni dans l'état
hypnotique, ni dans l'état médiumnique; elle se manifeste chez des individus
tout à fait normaux, rêvant, ou mi-éveillés, ou éveillés, qui sont surpris par
ce phénomène. on peut appeler monition la révélation (par une voie qui n'est
pas celle des sens normaux) d'un événement passé ou présent; et prémonition, la
révélation d'un fait à venir.
les
cent quarante pages que ch. richet consacre à étudier les monitions paraissent
les plus solides de son ouvrage : monitions d'événements sans importance,
monitions d'événements graves, monitions de mort surtout (on a cité, par
exemple, la monition de mrs green). - il y a aussi des autoprémonitions de
maladies, de mort, même accidentelle, et des prémonitions, appliquées à
d'autres êtres, de maladies et de mort, naturelle ou accidentelle.
la
métapsychique objective s'applique à des phénomènes matériels que
l'on ne peut expliquer par des forces mécaniques actuellement connues et qui
paraissent manifester une intelligence.
richet
étudie d'abord les télékinésies ou mouvements d'objets, par
exemple, mouvements de tables que ne produit aucun contact (les expériences de
cette eusapia paladino, à qui on a consacré toute une bibliographie,
bibliografia paladiniana, ont été surtout décisives). puis l'auteur décrit les ectoplasmies,
ou matérialisations de formes vivantes, de personnages, de membres, d'objets
même (il est curieux de voir, par exemple, parmi les figures illustrant
l'ouvrage, les ectoplasmies de marthe - du corps de laquelle sortent des formes
d'aspect gélatineux - et les apparitions du fantôme bien boa à la maison
carmen, où une jeune femme-fantôme rieuse finit par donner à richet une mèche
de ses blonds cheveux...).
richet
étudie encore la lévitation, le soulèvement partiel ou total du
corps, qui s'élève ou reste suspendu en l'air sans le secours d'une action
mécanique musculaire apparente (le fait ne lui paraît cependant pas
rigoureusement établi) et les hantises, notamment les hantises de maisons –
produites peut-être par la présence de médiums qui s'ignorent et sont doués
d'un pouvoir d'involontaire télékinésie.
en
conclusion, ch. richet repousse l'hypothèse spirite, faisant intervenir les
esprits des morts, « absurde, parce qu'elle est inutile ; absurde parce
qu'elle suppose des êtres humains, de très médiocre intelligence, survivant à
la destruction du cerveau ».
l'hypothèse la plus simple, la plus
rationnelle, est de supposer qu'il y a en l'esprit de l'homme « une
faculté de connaissance supranormale », et dans le corps humain « des
forces capables de s'extérioriser ».
devant
ce monde inexploré, nous restons muets et stupides, « comme un hottentot
devant la relativité d’einstein ». mais, un jour, « la métapsychique
sortira de l'occultisme, comme la chimie s'est dégagée de l'alchimie ».
le
lecteur à l'esprit critique ne peut manquer de faire en soi-même bien des
réserves sur beaucoup d'idées exposées et de faits cités en ce livre; mais
nul ne pourra le lire, ni même le parcourir sans le plus vif intérêt.
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bernard auriol (email = auriol @ free . fr)
dernière
mise à jour le
29
octobre 2005
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